Sophie Ricard, alors enseignante en Agronomie au Campus de St Genest Malifaux, a mis en œuvre un travail avec sa classe de 3ème portant sur la valorisation d’un TP via l’utilisation des réseaux sociaux.
Voici son témoignage…
ORIGINE DE CETTE PRATIQUE NUMÉRIQUE ET COLLABORATIONS DANS L’ÉTABLISSEMENT
C’est la première année que j’enseigne en classe de 3ème de l’Enseignement agricole. J’ai en charge 2 enseignements pratiques interdisciplinaires, sur « L’animal » et « Les végétaux cultivés ». Certains élèves viennent en 3ème sans être intéressés par la production ni par la poursuite d’études en filière agricole. Je voulais donc favoriser l’ancrochage de ces élèves et faire de manière à ce que chacun y trouve son compte. Comme j’ai la classe en moyenne 4 heures par semaine, je souhaitais varier mes pratiques. Et ces jeunes de 3ème étant peu « scolaires », je voulais rendre les réalisations de compte rendu moins rébarbatives et plus ludiques. J’ai donc réalisé des recherches sur internet et j’ai trouvé le témoignage d’une enseignante qui utilisait Instagram en SVT pour motiver ses élèves en difficultés d’apprentissage. Certes nos objectifs pédagogiques étaient différents mais j’ai trouvé cette expérience intéressante car l’enseignante soulignait la coopération entre les élèves et leur implication. J’ai tout de suite compris que l’utilisation d’Instagram pouvait me permettre d’initier les élèves à la démarche de compte rendu des travaux pratiques. Finalement la publication des TP sur Instagram impliquerait le fait que les élèves maîtrisent parfaitement les différentes étapes du TP et de la conduite d’une production animale ou végétale. Je n’ai pas forcément réfléchi à l’utilisation d’un autre réseau social. Instagram s’est imposé car un seul élève de 3ème ne connaissait pas, tous les autres avaient déjà un compte et l’un d’entre eux est d’ailleurs sponsorisé au vu du nombre de ses followers. J’ai parlé de mon projet de publication sur un compte Instagram avec ma classe de 3ème à différents collègues. L’enseignante de zootechnie qui intervient dans la filière CGEA (Conduite et gestion de l’entreprise agricole) a trouvé cette valorisation des TP intéressante. Au départ, mon collègue d’ESC souhaitait travailler sur la prise d’images pour que nous articulions les cours d’ESC, d’agronomie et de zootechnie autour du compte mais cela ne s’est pas concrétisé. Je n’ai pas suivi de formation particulière sur les réseaux sociaux. Je me suis surtout documentée et inspirée du témoignage de l’enseignante trouvé sur le site du réseau Canopé dans l’Agence des usages.
En début d’année scolaire, j’ai donc soumis l’idée de la création d’un compte Instagram à la classe. Et les élèves ont immédiatement adhéré. J’ai préféré les associer à l’élaboration-même du projet pour qu’ils soient vraiment partie prenante de la démarche. Dès le départ, ils savaient qu’ils auraient à présenter leur projet devant une commission composée du directeur adjoint, de la CPE et du directeur d’exploitation. C’était un vrai enjeu pour eux, ils devaient obtenir leur feu vert pour la création du compte.
Le travail de réflexion pour définir et concevoir ce projet de compte Instagram a été mené durant 2 séances de 3 heures. Pour cela, la classe a été divisée en plusieurs groupes selon les réflexions à mener pour le conduire : – définir les objectifs – recenser tous les besoins : les besoins matériels comme l’ordinateur, la connexion internet… mais aussi les autorisations nécessaires (des parents, du directeur adjoint, du directeur d’exploitation pour les prises de photographies des salariés, des installations et du matériel, des animaux au sein de l’exploitation…) – réfléchir à l’organisation : quand prendre les photographies? Quand et comment les choisir? Comment les organiser? Qui publie? – définir la charte graphique: quel type de photographie? Quels clichés autoriser (selon qu’il s’agisse de personnes, d’animaux ou de bâtiments)? – définir la charte rédactionnelle : comment tagger? Quelles informations diffuser? Quelle modération? – réfléchir au devenir du compte Instagram de la classe en fin d’année scolaire.
Pour prévenir les soucis liés à la fois à l’utilisation du téléphone en cours et à la publication, j’ai pris soin de bien construire la démarche et de travailler les enjeux avec eux. J’ai pris du temps en début d’année pour poser les choses et les ancrer. Cela limite ensuite les comportements « déviants ». En balisant, en les éduquant aux réseaux sociaux, on se protège de ces comportements.
Tous les TP que je mène avec la classe sont relayés sur Instagram. Un roulement est prévu sur toute l’année pour que les 2 photo-reporters changent à chaque fois. Comme la classe compte 10 élèves, chaque élève sera photo-reporter 7 fois dans l’année en utilisant son téléphone. Chaque TP fait l’objet d’une publication de 3 photographies (pour respecter la grille en ligne d’Instagram), accompagnées d’un commentaire rédigé par les élèves et de mots clés.
DÉROULEMENT DE LA SÉANCE D’UTILISATION CHOISIE
La séquence traite de l’administration du sélénium aux chèvres gestantes. Réalisée en janvier, elle se déroule en plusieurs séances, notamment de travaux pratiques. La présentation du TP constitue la première séance et se fait en salle de cours classique. En 55 minutes, je présente l’objectif du TP, l’administration d’un complément alimentaire aux chèvres. Tous les élèves disposent d’une fiche vierge de compte rendu de TP avec plusieurs zones à remplir : la date, la durée, l’objectif principal du TP avec les différentes étapes de la démarche et les tâches à accomplir, le matériel nécessaire… Durant cette présentation, les élèves prennent des notes au verso de la fiche. Généralement je pars de l’expérience de certains élèves, fils d’agriculteurs, mais cette fois, aucun d’entre eux n’avait encore administré de sélénium à des chèvres. Cette partie est plutôt « descendante » et me permet d’aborder les différentes notions liées au TP : l’intérêt du sélénium, le gain de tonus musculaire chez les chèvres gestantes et les chevreaux qu’elles portent. J’insiste aussi sur le vocabulaire technique et le note au tableau. Je dégage avec les élèves les étapes principales du TP : 1. Organiser les espaces dans la chèvrerie : faire un enclos avec les chèvres qui n’ont pas reçu de sélénium, faire un sas pour la manipulation et l’administration du complément, prévoir un autre enclos pour relâcher les chèvres qui auront reçu le sélénium. 2. Attraper les chèvres et les mettre dans le SAS. 3. Prélever le sélénium avec une seringue en respectant la dose et l’administrer aux chèvres. 4. Les relâcher dans l’enclos. Les élèves prennent des notes au fur et à mesure sur la fiche, mais le recto du compte rendu n’est complété au propre qu’après le TP. Ils ne se servent pas forcément de cette fiche durant le TP car ils n’ont pas vraiment le temps.
La pratique est réalisée l’après-midi, en 3 heures pour traiter une centaine de chèvres. Nous nous mettons en tenue et nous nous rendons à la chèvrerie. Généralement le DEA et un salarié nous accueillent. Ils rappellent comment le TP va se passer. C’est aussi l’occasion de nous donner des éclairages plus généraux sur le troupeau. Le salarié est présent sur la quasi-totalité du TP. Je constitue des groupes pour que chaque élève puisse réaliser les 3 manipulations : attraper une chèvre, administrer le sélénium et relâcher la chèvre. Les 2 photo-reporters font également le TP. Ils laissent les autres commencer, prennent les photos puis passent à leur tour sur les différentes étapes. Ils sont très investis dans leur mission de photo-reporter. Ils photographient avec leur propre smartphone. Parfois, des camarades leur prêtent leur téléphone lorsqu’ils estiment que la qualité des photographies risque d’être trop faible. Ils sont contents de pouvoir utiliser leur matériel. Et il est rare que je doive les reprendre pour un usage non adapté à la situation d’enseignement. Pendant tout le TP, ils vérifient qu’ils font bien les choses : « Où dois-je me positionner ? » « Est-ce que ce serait mieux si je me mettais là ? », « Est-ce que je dois zoomer ou faire un plan plus large ? ». Les questions qu’ils se posent ou me posent renvoient à l’apprentissage de la tâche : Qu’est-il important de voir à cette étape du TP ?
La dernière partie du TP se fait en salle de classe. Les élèves se changent et remontent en classe pour la dernière heure. Ils rédigent ensuite le compte rendu au propre (sur le recto de la fiche) et me le remettent en fin de séance. Instagram est utilisé lors de la dernière séance, la semaine suivante. On reste en salle et les photo-reporters ont le droit d’utiliser leur smartphone. Je commence par rendre aux élèves leur compte rendu et je leur redistribue une fiche vierge de compte rendu de TP pour qu’ils puissent garder une trace de la correction qu’on réalise tous ensemble. Pour cela, je me connecte depuis l’ordinateur au compte Instagram de la classe et je le vidéo-projette. Nous reprenons alors les différentes étapes du TP, je note au tableau la formulation décidée pour les décrire et pour chacune d’elles, les photo-reporters nous montrent sur l’écran de leur téléphone les photographies prises durant le TP. On se place donc autour d’eux pour choisir. Ce choix prend du temps, la photographie doit bien illustrer l’étape et en être représentative, le matériel doit être bien utilisé, les gestes de la personne bien visibles. Par exemple pour l’étape de l’administration du sélénium, il faut que la canule et la seringue soient nettes, mais qu’on ait également une idée de la taille de la chèvre et une vue sur la manière dont elle est contenue. Le photo-reporter publie donc les photographies au fur et à mesure de nos choix. Elles apparaissent alors au tableau et on rédige progressivement les légendes. L’étiquetage des photos (avec la création des hashtags) est aussi l’occasion de manipuler le vocabulaire technique car il faut étiqueter les photographies publiées de façon correcte et juste. Tout ce travail de publication sur Instagram est réalisé en classe, tout doit être bouclé à la fin du cours. Mais les élèves ont la possibilité de retourner sur le compte et de proposer des changements.[…]
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